Comment estimer le coût d’un tour du monde?

Si planifier les coûts d’un seul voyage peut amener son lot de défis, alors estimer le coût d’un tour du monde devient dès lors un projet d’envergure. Pourtant, cela est bien nécessaire afin d’éviter d’être pris au dépourvu et de devoir écourter brusquement un projet longuement planifié. Le sujet que j’aborde ici risque d’intéresser ceux qui projettent éventuellement de se lancer dans une aventure semblable à la nôtre car une bonne planification de tour du monde passe avant tout par une estimation des dépenses et une anticipation de la trésorerie durant le voyage.  Je vous explique donc ma démarche, en espérant vous encourager à faire un tour du monde aussi!

Comment estimer le coût d’un tour du monde?

Les facteurs à considérer

Plusieurs me demandent combien peut coûter un tour du monde. Il n’existe pas de réponse catégorique à cette question car ça dépend de plusieurs facteurs tels que :

• Le nombre de personnes qui voyagent : la location d’auto et l’hébergement sont plus économiques à plusieurs;
• Le temps envisagé : le coût est proportionnel au temps en voyage;
• Les pays visités : l’Asie du Sud-Est et l’Amérique du Sud sont réputés être moins chers que l’Europe, l’Océanie ou l’Amérique du Nord;
• Le nombre de pays visités : faire 5 destinations ou en faire 40?
• Le mode de transport utilisé : faire du stop ou prendre l’avion?
• Le style de vie envisagé : fréquenter les auberges de jeunesse ou les hôtels de luxe?

Un coût minimal pour les minimalistes

J’espère bien que si vous suivez ce blog, vous n’êtes sûrement pas intéressé de connaître la limite maximale que peut coûter un voyage de ce genre, car on peut s’entendre pour dire que “the sky is the limit”! Plutôt, je vous dirais qu’il est possible de faire un tour du monde pendant une année complète pour aussi peu que 18 000 CAD, en mode packsac, en se déplaçant en transport en commun, à faire du bénévolat pour dormir gratuitement, bref le minimum quoi.

Personnellement, je n’envisage pas de faire de sacrifices de ce genre car nous voyageons avec des enfants et avons besoin d’un peu plus de confort. Comme nous comptons visiter plus de 40 pays et que notre temps est limité, nous préférons payer pour la facilité plutôt que d’économiser à tout prix. Nous tendrons néanmoins à maximiser la valeur de chacune de nos dépenses.

Une estimation globale

Mon budget n’étant pas illimité, j’ai tenu à faire une estimation sommaire des dépenses de notre tour du monde et voici donc comment j’y suis parvenu. Dans un article précédent, je vous expliquais comment j’ai décidé notre itinéraire et la durée dans chacune des destinations. À chaque pays de notre itinéraire, j’ai donc assigné un index de coût de la vie (que vous pouvez trouver sur Internet), avec comme référant la France qui a une valeur de 100. En faisant une pondération sur le nombre de jours prévus dans chaque pays et une estimation de 290.00 CAD (184,38 EUR) pour un jour en France (comprenant transport, visa, hébergement, nourriture, loisirs), j’ai réussi à obtenir un montant estimé de 93,000.00 CAD (59.130,21 EUR) pour 431 jours, ou 14 mois. En ramenant mon estimation de 431 à 365 jours, une simple règle de trois donnerait un montant de 78,750.00 CAD (50.069,94 EUR) pour 1 an.

Budget tour du monde

L’estimation nette

Vu que j’ai une stratégie de collecte de points qui me permet de bénéficier d’environ 90 nuitées d’hôtel gratuites (voir les articles sur le Travel Hacking 101 et Travel Hacking 102), j’estime une économie supplémentaire de 4,500.00 CAD (2.861,14 EUR). Pour ouvrir une parenthèse, mes points de récompenses me procureront une valeur estimée de 25,000.00 CAD (15.895,22 EUR), mais comme je n’aurais jamais payé 25 000 CAD pour ces 90 nuitées, j’aurais autrement pris des hôtels ou appartements à 50.00 CAD (31,79 EUR) la nuit en moyenne, d’où mon estimation d’économie de 4 500 CAD.

Donc, pour notre tour du monde de 14 mois en famille (2 adultes et 2 enfants), dans une quarantaine de pays (riches et pauvres), en vivant de manière confortable et sans se priver, en étant consciencieux dans nos dépenses et en utilisant nos points à notre avantage, nous devrions nous en sortir pour aussi peu que 88,500.00 CAD (56.269,07 EUR) (ou 93 000 – 4 500), soit 22,125.00 CAD (14.067,27 EUR) par personne. Ramené sur 12 mois, cela reviendrait à 74,748.00 CAD (47.525,43 EUR), soit 18,737.00 CAD (11.913,15 EUR) par personne, ou à peu près ce que dépenserait un voyageur solo en mode packsack pour 12 mois! C’est ce qu’on appelle faire de l’économie d’échelle!

Notez que je ne parle pas de budget mais d’estimation, car je ne veux pas être limité dans nos choix, afin de profiter au maximum de notre voyage.

Les autres dépenses

J’avais dit que mon estimation comprenait les transports, les visas, l’hébergement, la nourriture, les loisirs, c’est à dire toutes les dépenses de voyage. J’ai intentionnellement omis les dépenses reliées à l’équipement, les passeports, les assurances, les vaccins. Vous pouvez d’ailleurs vous référer au billet que j’ai écrit sur les items qui nous accompagnent durant le voyage. Ceux-ci ont été sélectionnés pour répondre autant que possible aux 5 critères suivants : compacité, légèreté, qualité, durabilité et prix bien entendu!

Autres dépenses courantes

A moins de tout plaquer et de partir à l’aventure pour une période indéterminée, il faut penser au retour avant même de partir. Les attaches dans le pays de résidence peuvent être plus ou moins conséquentes et contraignantes. Ainsi, nous avons fait le choix de ne pas vendre notre maison et de garder une seule de nos deux autos. Nous louons donc notre maison durant notre périple, ce qui aidera à payer nos dépenses courantes telles que l’hypothèque et les taxes municipales.

Estimation de la trésorerie durant le voyage

Mon rapport avec l’argent

Il existe 2 catégories de personnes quand vient le temps de prendre des décisions financières pour faire un tour du monde: ceux qui planifient quelques années à l’avance leur voyage en mettant de côté un montant mensuellement pour pouvoir réaliser leur rêve, et ceux n’ont pas besoin de le faire car ils ont déjà un coussin d’économies. Sans vouloir nous vanter, nous faisons partie de la 2e catégorie. Car voyez-vous, j’accorde à l’argent que je gagne une grande valeur que m’ont inculqué mes parents. Mes parents sont des réfugiés du Cambodge et ont commencé à travailler dès le plus jeune âge, non pas pour s’acheter des albums de musique et des consoles de jeux, mais plutôt pour aider à la subsistance de leurs propres familles. Arrivés en France, ils sont devenus ouvriers et j’ai grandi dans un HLM pendant une partie de mon enfance. Nous ne faisions aucune dépense futile ou extravagante, et cette pratique m’a suivie jusqu’à maintenant. Ceci m’a permis d’assurer à ma propre famille une qualité de vie confortable à un coût moindre. Alors non, je n’ai pas gagné de loterie et je n’ai pas reçu d’héritage!

La principale source de trésorerie : nos économies

Vous vous demandez donc comment j’ai fait? J’ai simplement décidé, très tôt, de me prendre en charge financièrement en vue d’acquérir une liberté financière que le gouvernement ne m’accordera probablement pas à 68 ans. Les décisions consistaient à mettre régulièrement de l’argent de côté et de faire des choix d’investissement éclairés. Quand nous avons décidé sur un coup de tête de partir pour un tour du monde en famille, nous savions donc que nous aurions les moyens de le faire. La liberté financière et les biens matériels n’étant pas une fin en soi, il n’a pas été difficile pour nous de décider d’utiliser nos économies. Ma retraite sera seulement un peu retardée.

La source secondaire de trésorerie : le gouvernement

Même si la république socialiste du Québec n’a pas fait partie des états membres de l’ancienne URSS (sans vouloir rabaisser ces derniers), elle n’en garde pas moins des vestiges du fait qu’elle aurait aimé profiter de l’ancienne gloire de la mère patrie. C’est ainsi que le Québec est la province/état la plus imposée fiscalement en Amérique du Nord, ce qui avantage les moins nantis, et nous permet par la même occasion de prendre une année sabbatique partiellement « aux frais des contribuables ». Car oui, nous n’aurons pas besoin d’un gros revenu familial pour vivre confortablement durant notre voyage, notre gentil gouvernement socialiste nous aidant à financer notre voyage.

Nos subventions gouvernementales en chiffres

Il n’est pas toujours facile de faire un budget précis quand on touche un salaire brut et qu’il existe une foule de critères susceptibles de faire varier notre salaire net à la fin d’une année. Par chance, notre gouvernement nous fournit un calculateur pour palier à cette problématique.

Comme Jessica est une joyeuse femme au foyer depuis la naissance de notre grand Mateo, je suis le seul pourvoyeur de la famille. Avec les critères propres à notre famille, j’ai utilisé le calculateur d’une manière peu conventionnelle, pour connaître le revenu maximal que je devrais gagner afin de maximiser les crédits et subventions que nos deux paliers gouvernementaux pourraient nous accorder. Par tranche de 1,000.00 CAD (635,81 EUR) de revenu brut pour une année fiscale, j’ai recueilli le revenu net annuel pour la configuration de notre famille de 4.

Revenu net annuel par tranche de 1000$ de revenu brut annuel

Je vous interprète le résultat incroyablement burlesque de cet exercice :

• En ne travaillant pas, nous toucherions 30 059$ net, principalement d’aide sociale et d’allocations pour les enfants;
• Avec un revenu de 100 000$ brut, nous recevrions 75140$ net;
• Il me faudrait gagner 53 000$ pour finir avec 53 000$ net;
• Chaque dollar gagné entre 35 000$ et 60 000$ serait imposé à plus de 60%!
• Le bénéfice net entre 47 000 et 48 000 brut n’est que de 119$, soit un taux d’imposition de 88%!!!
• Travailler pour 35 000$ reviendrait à recevoir 48 992$;
• Travailler pour 60 000$ reviendrait à recevoir 55 595$;
• Si je gagnais 35 000$ et que je recevais une augmentation de 25 000$ brut, il me reviendrait seulement 6 603$ net.

J’en conclue qu’il ne me sert pas à grand-chose de gagner plus de 35,000.00 CAD (22.253,31 EUR) durant ces deux années consécutives de tour du monde, ce que je n’aurais jamais pensé pouvoir dire de ma vie! Je tâcherai donc de gagner ce montant brut avant notre départ, ainsi qu’à notre retour pour les années fiscales 2018 et 2019.  Un bon québécois dirait que c’est capoté bin raide pareil!  Bon c’est vrai que la plupart des subventions d’une année fiscale sont versées à partir du mois de juillet de l’année d’après. Mais nous nous permettrons de vivre sur nos économies tout de même!

Comprenez-vous maintenant pourquoi j’aime les chiffres?

En bonus : d’autres chiffres

J’ai stimulé mes neurones sur d’autres simulations, juste par curiosité. Bien que ça n’ait rien à voir avec le sujet, je vous expose le fruit de mes recherches:

• Une personne seule doit gagner 71 000$ brut pour finir avec le même montant de 49 000$ net que le gouvernement nous octroiera;
• Une personne seule qui ne travaille pas reçoit 9 641$;
• Un couple sans enfant et qui ne travaille pas reçoit 13 757$;
• Un couple avec 2 enfants et qui ne travaille pas reçoit 30 059$;
• Un couple avec 2 enfants avec 1 revenu au salaire minimum à temps plein reçoit 41 681$;
• Une mère monoparentale avec 1 enfant et qui ne travaille pas reçoit 18 503$;
• Une mère monoparentale avec 2 enfants et qui ne travaille pas reçoit 26 479$;

Je vous laisse interpréter les chiffres, mais je dirais simplement qu’on est bien au Québec! Attention cependant! Ceci n’est pas un encouragement à profiter du système. J’ai d’ailleurs horreur des gens qui le font. Je trouve que le système est tellement aberrant car il n’encourage justement pas les gens à se dépasser. Je suis néanmoins content de pouvoir en profiter en tant que bon contribuable.

Conclusion

Maintenant, vous avez les méthodes et outils nécessaires pour estimer vous-même les aspects financiers liés votre futur tour du monde! Mais rappelez-vous de ceci : en voyage comme dans la vraie vie ce n’est pas combien vous gagnez qui importe, mais plutôt comment vous dépensez votre argent durement gagné. À vous de jouer!

PS : Le voyage est terminé. Je vous invite à consulter les vrais chiffres dans mon bilan financier afin de voir si mon estimation était juste.